Sauvegarde du Pays Sacradel
Alice Marc Manoel
Alice MARC-MANOËL a eu plusieurs vies : d’abord infirmière, puis archéologue amateur, et enfin écrivain et elle a eu deux passions dans sa vie, passions qui relèvent d’un imaginaire fortement imprégné de catharisme : l’archéologie et l’écriture. Née en Saône-et-Loire en 1901, orpheline à 14 ans, elle est élevée par son oncle et sa tante à Roquecourbe. La colline de Sainte-Juliane est un haut lieu du catharisme dans le Tarn. Alice Marc-Manoël (1901-1990), qui venait y faire paître ses chèvres, a entrepris des fouilles archéologiques d'une importance capitale.
PREMIERE EPOQUE
Née le 24 janvier 1901 à Morey, elle a vécu de nombreuses années à Saint-Martin-des-buis près de Roquecourbe dans la maison de ses ancêtres du côté maternel.
La jeune Alice, orpheline à 14 ans, a vécu la mort de son frère et de son oncle lors de la première guerre mondiale. Est-ce de là que vient sa vocation d'infirmière ? Diplômée de l’École Florence Nightingale (Maison de Santé protestante de Bordeaux-Bagatelle) après des études d’infirmière et d’assistante sociale, elle y est remarquée et la directrice la charge de donner des cours.
Arrivée en Alsace en 1928, elle part ensuite à Colmar et participe à la création d'une école d'infirmière de la Croix-Rouge en 1930 qu'elle dirige pendant dix ans. En 1940, elle est expulsée par les allemands, elle part pour travailler à Nîmes pour les réfugiés Alsaciens et Lorrains, puis à Lyon…et défend avec détermination ses élèves. Elles lui doivent la vie par cet acte de résistance.
À la fin de la guerre, elle revient ouvrir l'établissement qui fonctionne toujours aujourd'hui.
DEUXIEME EPOQUE : DECOUVERTES ARCHEOLOGIQUES
Après la guerre, elle vient gérer la propriété familiale de Saint-Martin à Roquecourbe avec son mari Samuel Marc. Mariée à quarante ans, elle mène une vie de bourgeoise campagnarde. Elle fait et vend des fromages de chèvres.
Un jour de 1950, en labourant la terre, les métayers heurtent le couvercle d'un sarcophage. C'est le début des fouilles archéologiques qui dévoilent des trésors : vestiges celtes, église en ruine, sarcophages. L'un d'eux, situé dans le cœur de l'église, pourrait être celui de Béatrice de Béziers, épouse de Raymond VI, comte de Toulouse. Ce site émouvant, situé sur une colline, présente des gradins, des cuves rappelant la vie des celtes en cet endroit ainsi que des sarcophages cathares et les vestiges d’une Église utilisée tour à tour par les catholiques et les protestants.
Alice se passionne pour ces découvertes d'autant plus qu'elle venait d'achever le manuscrit de son premier livre : « Juliane la mystérieuse » car Alice MARC-MANOËL avait fait un songe bien avant les fouilles : elle a rêvé à un « grand chevalier ». En 1952, les fouilles commencent sous la direction d’Elizabeth POULAIN, épouse du conservateur du Musée de Castres. Celle-ci, diplômée de l’École du Louvre, s'émerveille alors que ces récits reflètent aussi clairement la réalité historique « comme si la vision de Mme Manoël-Marc avait pénétré à 50 centimètres sous terre ». Le ministère de la Culture soutient la démarche et, en 1954, Albert SARRAUT, ancien Président du Conseil, vient inaugurer le site, manifestant en cela l’importance de cette découverte archéologique pour le Tarn. Alice passe toutes ses journées et ses loisirs à fouiller inlassablement le site. Elle y fera des découvertes archéologiques des plus intéressantes.
. Ces lieux sont fréquentés depuis 2000 ans. Le site attire, fait fantasmer, et fait l’objet de recherches intenses, car à la fois lieu de culte et funéraire, il fut, semble-t-il, occupé successivement par les Celtes, les Visigoths et les Cathares. C’est au moment des fouilles qu’Alice MARC-MANOËL entre en contact avec les passionnés de catharisme, se rend à Montségur, initie et contribue aux Cahiers d’Etudes Cathares fondés par Déodat ROCHER, qui paraissent sous la direction d’Olivier CÈBE de Ferrières.
Alice côtoie René Nelli de Carcassonne, Déodat Roché et devient membre de la Société du Souvenir et des Études Cathares. Elle fréquente le château de Ferrières. Ce parcours l'incite à épouser les convictions des cathares. Elle porte alors au poignet un bracelet formé de deux têtes de serpent, symbole du manichéisme et du combat entre le bien et le mal.
TROISIEME EPOQUE : ÉCRIRE ET RACONTER
Les débats passionnés, les rencontres qu’elle fait, son imagination romanesque, donnent à Alice MARC-MANOËL le goût de l’écriture.
Dès 1953, elle écrit son premier roman : Juliane, la mystérieuse.
Ses talents d'écrivain conduisent la directrice de l’École d'Infirmière de Bordeaux-Bagatelle à lui commander une pièce de théâtre intitulée « Florence Nightingale » qui sera jouée à Colmar et à Bordeaux en 1954 à l'occasion de la Journée Mondiale de la Santé.
« Florence Nightingale, née le 12 mai 1820 à Florence (Grand-duché de Toscane) et morte le 13 août 1910 à Mayfair (Royaume-Uni), est une infirmière britannique, pionnière des soins infirmiers modernes et de l'utilisation des statistiques dans le domaine de la santé »
Elle dédicace son livre « Juliane, la mystérieuse » en 1954 lors de la présentation de sa pièce de théâtre en un acte consacrée à Florence Nightingale au théâtre municipal de Castres.
Alice Marc-Manoël a eu une production très éclectique :
TROIS ROMANS :
"Juliane la mystérieuse"(1953)
"La Colombe et l'Epée" (1956) publié aux éditions de la Tête Noire fondées par le poète tarnais Gaston PUEL et son ami Georges VERGNE.
"La Flamme des Bûchers...ou la Nuit des Prisons..?" (1980);
DES RECITS :
"La promenade du petit Dominique (Ste Juliane racontée aux enfants)" (1960),
"Naissance et tragédie du Sidobre" (1964),
"Hruliana, ou la Guerre des Dieux" (1953),
"Trois Contes Fantastiques en Pays Castrais" (1983)
UNE PIECE DE THEATRE :
Créée le 14 mai 1954 à Colmar: "Florence Nightingale".
DES DIFFUSIONS RADIOPHONIQUES, COMME ON DISAIT A L’EPOQUE :
"Juliane la Mystérieuse" (ORTF-26 mars 1956),
"Constance ou la Princesse sacrifiée" (RTF-Toulouse-Pyrénées-22 octobre 1957).
D'autres pièces de théâtre seront créées pour la radio en Midi-Pyrénées entre 1945 et 1975.
Entre 1975 et 1980 elle obtient SEPT premiers prix aux concours littéraires « Le Midi Chante »
Vieille dame très attachante, beaucoup ont eu le plaisir de la rencontrer sur le site des fouilles de Sainte-Juliane. C'est là qu'elle trouvait l'inspiration : celle de la foi et celle qui la reliait à l'histoire des lieux. Avec elle, l’évocation du passé prenait une dimension particulière. C’était une conteuse et une femme de grand talent.
Alice Marc-Manoel s’est éteinte en 1990 et repose dans le cimetière familial à Saint-Martin-des-Buis. Ceux qui l'ont connue s'en rappellent comme d'une conteuse qui savait captiver son auditoire et qui, jusqu'à la fin de sa vie, conserva sa curiosité naturelle.
Le conseil municipal de Roquecourbe vient de donner son nom aux écoles publiques de la commune le 20 mai 2016. Quel bel hommage que de donner aux écoles publiques de Roquecourbe le nom de celle qui cherchait à transmettre l'histoire de ceux qui se battent pour leurs convictions.
Alice Marc-Manoel, après sa disparition le 27 mai 1990, a reçu un hommage particulier dans les "Cahiers d'études Cathares" (n°137 - printemps 1993).