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La vie de notre village
au début du siècle

Récit de Mme Claire Gaches (le petit sacradel N° 19/21/24 écrit en 1992)

Comment ils vivaient :

   - 1892-1992 - CENT ANS - que de chose se sont passées de par le monde durant cette période. Que de progrès et inventions ont eu lieu. A quelle vitesse nous sommes passées de la vie dure et pauvre de la fin du siècle dernier, à la vie de confort et de bien être que nous connaissons de nos jours, quel contraste ! Notre curiosité nous a poussé à savoir comment vivaient les habitants de Roquecourbe. Quel genre de vie ont-ils connus et que savons-nous de cette vie. Pour ce faire nous sommes allés à la rencontre de quelques personnes nées dans le village à la fin du siècle dernier ou au début des années 1900, qui n'ont jamais quitté leur lieu de naissance et que nous remercions pour tout ce qu'elles nous ont appris.

   - Ces personnes était toutes d'accord pour nous dire "Nous étions pauvres mais nous étions heureux, nous savions nous contenter de peu et prenions le temps de vivre. Nous étions jeunes et l'avenir ne nous faisait pas peur".

   - Dans les lignes qui vont suivre, nous allons essayer de rapporter les propos recueillis sans toutefois prétendre tout savoir.

En ces années d'après 1900, nous ont dit ces personnes, Roquecourbe comptait environ 1200 habitants ; nous n'étions pas nombreux, aussi tout le monde se connaissait, surtout par des surnoms que l'on se donnait pour quelques motifs que se soit. Cette appellation restait ensuite toute la vie, à tel point que les gens étaient plus connus par les surnoms que par leurs noms de famille. Nous parlions surtout le Patois de la région qu'il était interdit aux enfants de parler à l'école, sous peine de punition. Car les instituteurs tenaient à ce que leurs élèves parlent correctement la langue Française.

   - Avoir cinq ou six enfants par famille, parfois plus, était chose courante. Les mamans s'occupaient d'eux. Seul le chef de famille travaillait au dehors ; il fallait se contenter d'une seule paye et comme les allocations familiales n'existaient pas à cette époque, les familles vivaient pauvrement.

   - Les enfants de la campagne quittaient l'école vers 10 ou 12 ans, afin d'aider leurs parents pour les travaux de la ferme. Ces travaux s'effectuaient manuellement et tout le monde était utile. D'autres obtenaient le Certificat d'Études, c'était un honneur que d'avoir ce diplôme, le plus souvent le seul que l'on possedat dans toute la vie.

   - Après quoi ces jeunes allaient travailler, les garçons dans une scierie ou dans des rares usines de bonneterie du village, d'autres se plaçaient dans une ferme. Quelques-uns se destinaient à apprendre un métier, j'étais de ceux là nous disait Monsieur V... et pour ce, nous allions chez un artisan du village ou du village voisin, pour essayer plus tard de s'installer à son compte.

   - Les parents un peu aisés laissaient leurs enfants poursuivre leurs études mais ils n'étaient pas nombreux. Pour  obtenir un peu d'argent de poches les jeunes garçons du village allaient ramasser des paniers de cailloux dans les champs ou au bord de l'Agout, ces cailloux servaient à empierrer les routes ; plus le panier était lourd, plus il était payé.

   - La rivière charriait du sable et des cailloux lors des crues du printemps et de l'automne. Celle de l'automne surnommée "l'aïgat de las coutsos" ce qui veut dire "la crue des courges", ces fruits venant à maturité à cette époque de l'année.

   - Quand au filles, certaines allaient travailler en usine où l'on fabriquait des bonnets, chaussettes et gilets de chasse. D'autres, pendant une année ou plus dans une école ménagère à Réalmont ou à Peyregoux afin d'y apprendre la cuisine et la couture. A l'issue de cette école, ces jeunes filles étaient placées dans des familles bourgeoises et y restaient jusqu'à leur mariage. Au moment du départ ces familles offraient à leurs fidèles servantes une partie du trousseau en récompense de leurs services.

   - Nos parents étaient sévères nous dit Mme B... qui demeurait dans une ferme, "nous n'avions pas la permission de sortir le soir aussi nous passions nos soirées à confectionner le trousseau du mariage, qui comprenait plusieurs paire de draps en fil ou en métis, quelques douzaines de serviettes, torchons, mouchoirs, chemises et le tout brodé à nos initiales. Ce minutieux travail se faisait à la main et à la lueur de la lampe à pétrole car nous n'avions pas encore l'électricité dans les fermes.

   - La plupart des familles cultivaient un jardin avec des arbres fruitiers, ce qui permettait d'avoir les légumes et les fruits nécessaires au foyer. Certains possédaient aussi un champ qui donnait des pommes-de-terre, des céréales : maïs, orge avoine, pour la nourriture des bêtes qu'ils élevaient.

   - Sur les coteaux ensoleillés, les vignes donnaient du bon vin et dans les champs aux versants bien exposés, c'était des fraises qu'on récoltait à pleins paniers et qui se vendaient sur les marchés des alentours. Ces paniers pleins de fruits, étaient transportés sur une charrette tirée par un âne ou un mulet ; il ne fallait pas oublier de prendre une mesure d'avoine pour faire patienter les bêtes sur les places de marché. Cette récolte durait deux mois environ.

   - Les modes de locomotion étant très limités entre pays et parfois même entre région, les échanges de produits n'existaient pas ou très peu ; il fallait se contenter de ce que l'on récoltait dans les jardins. Il n'y avait pas de fruits ou de légumes hors saison ; de même les fruits exotiques, provenant des pays étrangers, étaient inconnus.

   - Pour travailler leurs champs ou leurs vignes, les habitants du village, avaient des bêtes de somme : chevaux, ânes, mulets qu'ils logeaient dans les écuries situées près de chez eux ; parfois même, ces écuries étant situées derrière la maison d'habitation, les bêtes devaient passer par la porte d'entrée et traverser le couloir afin d'accéder à leur étable.

  - Ils élevaient aussi des volailles, des lapins et surtout un porc qu'on engraissait, ce qui permettait d'avoir de la bonne charcuterie durant une bonne partie de l'année.

  - Les volailles étaient laissées en liberté toute la journée, elles erraient dans les rues, les places, le jardin public et ne regagnaient leur poulailler qu'à la tombée de la nuit. Quand aux oies et aux canards, c'était à la rivière qu'il fallait aller les récupérer le soir, ce qui n'était pas facile. Heureusement, il se trouvait presque toujours un pêcheur de sable attardé, qui à l'aide de sa perche, aidait à remettre les bêtes sur la terre ferme.

   - Lorsque la ménagère tuait un lapin, elle gardait la peau, la bourrait de journaux ou de paille afin qu'elle soit bien étirée et la vendait (au peyllaroc) au ramasseur de peaux de lapins qui passait toutes les semaines avec un petit âne qui tirait un charriot et le brave homme se faisait entendre au son de sa trompette. Il payait ces peaux, cinq, dix ou vingt francs selon que ces dernières étaient plus ou moins bien étirées. Il repartait toujours avec un bon chargement.

   - Le porc qu'on engraissait avec des pommes-de-terre, du maïs, des glands, des châtaignes, était logé dans une petite écurie à même la rue, ou sous l'escalier de la cuisine, lorsque la famille habitait au premier étage de la maison.

   - C'était la maitresse de maison qui s'occupait de toutes ces bêtes. Elle allait dans les champs ramasser de l'herbe pour les lapins et dans les bois environnants des glands et des châtaignes pour le porc.

   - En ce temps là, toutes sortes de commerçants et d'artisans étaient installés dans le village. Il y avait sur place ce dont les habitants avaient besoin pour leur vie quotidienne, sans avoir à se déplacer. Les gens n'avaient pas de voiture, ou très peu de personnes en possédait une.

   - On comptait sept ou huit petites épiceries où il se trouvait un peu de tout ; des merceries, des magasins de tissus et du linge de maison, un dépôt de vaisselle, un magasin de chaussures où on trouvait souliers, galoches, sandales, sabots etc.

   - Deux cafés-restaurants où tous les dimanches matins, après la messe de sept heure, les messieurs allaient déjeuner avec des "tripous".

   - De temps en temps, il passait des marchands ambulants tel : "le planteur de Caïffa", muni d'un petit chariot sur lequel était placé un caisson en bois ou en fer. Il tirait lui-même le charriot ou il le faisait tirer par un chien. Il transportait un peu d'épicerie, de mercerie et même parfois des revues qui relataient les faits importants de l'époque.

Des artisans de tous les corps de métiers étaient au service de la population.

   - Aux alentours de Roquecourbe de nombreuses petites fermes étaient exploitées par des paysans et leur famille. Il n'y avait pas de terre inculte, les gens vivaient du produit de leur récolte et de la vente des animaux de la ferme.

   - Des familles bourgeoises possédaient de grands domaines avec des fermes importantes qui étaient gérées par des fermiers ou des métayers. Celà donnait du travail à beaucoup de personnes car presque tous les travaux des champs se faisaient à la main.

   - Quatre foires importantes avaient lieu tous les ans dans le village : Avril, Mai, Novembre et décembre. Les paysans des alentours vêtus de leur grande blouse bleue ou noire, le foulard en couleur autour du coup, les sabots bourrés de paille, le chapeau de feutre et le bâton à la main, arrivaient le matin de bonne heure, le plus souvent à pied, avec leurs bêtes : vaches, bœufs, cochons etc. pour les vendre, les échanger ou en acheter d'autres. Et après être passé au poids public pour peser leurs animaux, la vente commençait. Le poids public était situé en haut du "Puisoir", aujourd'hui allée du Général-de-Gaulle. Les fermières étaient là aussi, avec les produits de la ferme : volailles, lapins, œufs, fromages qu'elles faisaient elles-mêmes avec le lait de vaches.

   - Des forains avec leurs stands bien achalandés, de vêtements, tissus, articles ménagers, ne manquait pas ces foires. Les enfants, eux, étaient attirés par le stand de jouets et de bonbons qui était tenu par "Poulou". Ce denier savait bien les attirer et au besoin leurs raconter quelques belles histoires.

Ces foires attiraient pas mal de monde ; dans les usines les patrons donnaient 2 ou 3 heures de liberté aux ouvriers pour qu'ils aillent visiter la foire et faire leurs achats. Les enfants n'avaient pas classe l'après-midi. Tout cela donnait au village un air de fête.

   - Tous les dimanches matins avait lieu le marché, avait lieu le marché des volailles et des lapins, ce marché se tenait sous les arcades de la place de la Mairie. Pour les volaille : poules, oies, canards, on s'installait sous les arcades où se trouve aujourd'hui la pâtisserie (à gauche de la Mairie) ; pour les lapins, la vente avait lieu sous les arcades d'en face. C'étaient des fermiers, mais aussi des habitants du village qui vendaient ces animaux.

   - Dans les fermes on aimait aussi faire la fête, après les durs travaux des champs, où les paysans s'entraidaient, et malgré la fatigue des  journées bien remplies, les jeunes et même les moins jeunes aimaient à se retrouver le soir pour chanter et danser autour d'un accordéon.

   - Les mois d'hiver pendant les grands froids où le gel retenait les fermiers chez eux, ces derniers ne restaient pas inactifs, et s'employaient à réparer les outils qui serviraient pour les prochains travaux des champs.

Avec des branches d'osier ou de châtaignier, ils fabriquaient des paniers, des corbeilles, des berceaux ; avec de la pailles de seigle, ils empaillaient des chaises, faisaient des paillasses pour les boulangers qui y déposaient leur pâte pour faire lever le pain avant de cuire au four, ces paillasses étaient liées avec des tiges des ronces des haies ; les fermières tressaient cette paille de seigle pour s'en faire des chapeaux qu'elles mettaient pour aller dans les champs les jours de grande chaleur.

   - On imposait aux paysans de ramasser les cailloux de leurs champs, qu'ils devaient mettre en bordure des chemins, ceci pour empierrer les routes. Ils étaient aussi tenus de nettoyer les ruisseaux qui longeaient leurs terres et étaient ainsi dispensés de payer "la taille" ou taxe foncière.

   - Voilà en petit résumé, ce que nos parents ou grands-parents ont vécu. En ce temps, il y avait du travail pour tous. Et pour terminer, nous pourrions dire encore ce que disait ma grand-mère :

    " NOUS ÉTIONS PAUVRES, MAIS NOUS ÉTIONS HEUREUX ".

Écrit par Claire Gaches en 1992 (texte intégral).

  

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