Sauvegarde du Pays Sacradel
Les Protestants et les Temples
Leur Histoire au cours des siècles
Au 12ème siècle, à Roquecourbe, beaucoup de familles étaient favorables aux croyances et idées cathares. Les Trencalvel, seigneurs de Roquecourbe, étaient eux-mêmes gagnés à la cause du catharisme. Le site de Sainte Juliane garde encore des restes de cette période : l’église, les sarcophages, les cuves, les gradins.
Si bien qu’au 16ème siècle, les habitants du pays Castrais et de Roquecourbe en particulier, après l’adhésion aux idées cathares, se sont enflammés très rapidement pour les idées nouvelles de Luther et de Calvin, pour ce qu’on a appelé « La Réforme ». Et Roquecourbe est devenue un noyau important du protestantisme.
En 1560, les religionnaires, comme on les appelait, étaient si nombreux que le pharmacien-poète roquecourbain, Jean-Louis Alibert, écrira, qu’à cette époque il ne restait à Roquecourbe que 3 ou 4 familles catholiques dans toute la population.
« Religionnaire » : est un nom dérivé de « religion », désignant un membre de la religion réformée, luthérien ou calviniste.
Le nom « huguenot » est aussi employé, il vient du mot allemand « Eidgenosse », traduit en français par « confédéré ». Ce nom allemand est déformé en « eiguenotz » qui désignait au 16ème siècle les réformés de Genève, puis en « huguenot » en France. Ce nom est donné aux protestants français à partir des guerres de religion.
On parle au 17ème siècle de ceux de la « RPR » : « religion prétendue réformée », ce terme, utilisé par les catholiques, est une marque officielle de l’hostilité au protestantisme.
La conséquence en a été que l’église catholique Saint François, qui existait déjà, s’est avérée trop grande pour accueillir si peu de fidèles si bien que l’on célébrait la messe dans une petite chapelle à Miringue. La tradition raconte que cette chapelle élevée par une abbesse de Vielmur sur Agoût était merveilleusement ornée, que sa beauté était devenue une expression populaire d’admiration et que l’on disait, il y a 150 ans, en patois « poulido commo l’agleyso de Mirengo ».
A cette époque les protestants se rassemblaient dans la vieille église de Sainte Juliane. Ils régnaient en maître à Roquecourbe.
En 1561, un colloque s’est réuni à Roquecourbe pendant lequel les calvinistes ont décidé de prendre les armes pour s’emparer des églises et les transformer en temple. Ce fut le signal du début de la lutte entre les deux parties : catholiques et protestants.
En même temps en 1564, le besoin s’est fait sentir d’édifier un temple dans la cité. 32 pères de famille, tous habitants de Roquecourbe, ont demandé aux autorités de faire construire un lieu propre à célébrer leur culte et devant servir de lieu de sépulture. Cette demande a été accordée et un 1er temple a été immédiatement construit sur la place du Pagnol où se trouvait déjà l’église, non utilisée, mais il n’a pas été fait mention de lieu de sépultures, il ne devait pas être dans l’enceinte de la cité.
« L’Edit de Nantes » : L’Edit de Nantes est un édit de pacification signé le 13 avril 1598 par le roi de France Henri IV à Nantes, pour définir les droits des protestants en France et mettre fin aux guerres de religion qui ravageaient le royaume depuis 1562. Les principales conséquences de cet édit sont la reconnaissance aux réformés de la liberté de conscience et l’autorisation du libre et plein exercice de leur culte dans les lieux où il était permis en 1597.
En 1598 date de l’Edit de Nantes, les protestants, jouissant d’une certaine reconnaissance, auraient dû être à l’abri pour exercer sans crainte leur religion ; pourtant les guerres « dites de religion » battaient leur plein à cette époque dans notre région, à Castres et aux alentours. Roquecourbe était devenue un centre important des opérations, combats, tueries, actes de vandalismes étaient perpétués par les partisans des deux religions.
Par exemple, sur ordre du Prince de Condé chef du parti des réformés, les protestants de Roquecourbe ont tenté une expédition pour s’emparer de la ville de Castres. Ceux-ci ont emprisonné bon nombre de catholiques, toutefois les seigneurs de Roquecourbe avaient eu à peine le temps de se sauver, au point du jour, dans un bateau amarré sous les fenêtres de leur habitation de Castres et de se mettre hâtivement en sécurité dans leur château de Roquecourbe pour éviter d’être pris.
Si, au début, les catholiques étaient peu nombreux et allaient à la messe à Miringue, par la suite, le rapport numérique entre protestants et catholiques s’était inversé et ces derniers ont réintégré l’église St François. En 1668, le 1er temple a été démoli. Il était situé trop près de l’église, le chant des psaumes troublait, parait-il, la messe.
En 1668 un nouveau temple, le 2ème temple, a été construit au lieu-dit autrefois Place du Temple, ou Placette, maintenant Place Alibert. Mais il a fallu que des maisons de cette placette soient au préalable démolies et les protestants ont dû indemniser les propriétaires évincés de leur habitation. Le tout a été financé par la communauté protestante
« La Révocation de l’Edit de Nantes » : est un édit signé par Louis XIV le 18 octobre 1685 à Fontainebleau qui révoque l’Edit de Nantes et met fin à l’existence légale du protestantisme en France.
En 1685, après la révocation de l’Edit de Nantes, les protestants étaient de nouveau dans la tourmente : les temples étaient détruits, les pasteurs étaient exilés, les cultes étaient interdits, les enfants étaient obligatoirement baptisés dans la religion de l’église romaine, et ceux qui bravaient l’interdiction de sortir du territoire étaient condamnés aux galères.
En exécution de cet Edit, le 2ème temple de Roquecourbe, 17 ans après sa construction, a été détruit. Le délégué de l’intendant de la Province est venu à Roquecourbe pour faire exécuter lui-même cette démolition et en l’absence d’acquéreur, les protestants ont été contraints d’acheter les décombres pour 300 livres, c’était le montant de l’estimation des matériaux récupérés.
La cloche du temple, quant à elle, a été remise au délégué de l’intendant. Elle était si grande et si belle qu’une fois fondue on a pu en faire deux : une pour l’église et l’autre pour le clocher de la ville au-dessus de la porte du pont. Son métal était d’une très bonne qualité, car, pour se faire, les dames de la noblesse qui étaient protestantes avaient, dit-on, donné leur argenterie et leurs bijoux.
Dans les années qui suivirent cet Edit, les protestants ne pouvaient plus exercer leur religion ; à Roquecourbe, 450 d’entre eux ont abjuré. La sincérité de ces nouveaux convertis s’est avérée, avec le temps, quelque peu suspect. En effet beaucoup étaient devenus catholiques sur le papier, mais restaient protestants de cœur. Et les enfants, qui devaient être baptisé à l’Église, ne l’étaient pas toujours.
Les fidèles se réunissaient en assemblées dites « au désert » la nuit, dans les campagnes, dans des endroits reculés ou sauvages. Des sentinelles étaient postées aux alentours pour surveiller et annoncer éventuellement l’arrivée des troupes. En cas de danger les gardes sifflaient, tiraient des coups de feu pour avertir les fidèles de se disperser. Sur le territoire de Roquecourbe ces assemblées se sont tenues à Lacalm, à la Teillardié, à la Chabbertié, aux Grèzes.
L’expression « Désert » définit la période qui s’étend de la Révocation de l’Edit de Nantes (1685) à la Révolution française (1789). Privés alors de liberté de culte, c’est loin des villes, cachés dans les endroits isolés, déserts (dans les forêts, les garrigues, les grottes ou les ravins...), que les protestants de France (en Cévennes, mais aussi dans le Tarn...) sont obligés de vivre clandestinement leur foi.
Il fallait s’organiser pour aller aux assemblées, transporter la chaire portable, la robe pastorale, la coupe de communion, souvent en plusieurs morceaux pour ne pas éveiller la curiosité des forces de l’ordre.
En 1787, à partir de l’Edit de Tolérance rendu par le roi Louis XVI qui a mis un terme définitif et officiel aux conflits opposant protestants et catholiques pendant des générations, les assemblées dans les bois n’étaient plus organisées et les fidèles se réunissaient dans une salle à l’Horte à Roquecourbe.
« L’Edit de Tolérance » signé par le roi Louis XVI le 29 novembre 1787, accorde aux protestants un état civil. Il leur assure le droit d’exister dans le royaume sans y être troublés sous le prétexte de religion.
Cette même année 1787, est arrivé à Roquecourbe comme pasteur Marc-David Alba-Lasource, originaire de la région d’Anglès, antérieurement pasteur à Lacaune, il a desservi aussi Réalmont.
C’était un puissant orateur, gagné aux idées nouvelles. Mr Lasource avait une grande et prodigieuse facilité d’improvisation et de parole, ses sermons duraient 1 h à 1 h ½, ses discours étaient nourris, véhéments, pleins de force et de fougue. Il avait un tempérament de feu, énergique et impétueux, il est entré en conflit avec certains de ses paroissiens à plusieurs reprises. En 1791, il a été élu parmi les 9 députés pour représenter à Paris le département du Tarn. Il n’est pas revenu à Roquecourbe et a été exécuté en octobre 1793. Il avait 30 ans.
Pendant une douzaine d’années la paroisse est restée sans ministre du culte. Les paroissiens n’étaient pas restés moins actifs.
Entre 1800 et 1810, les protestants amenés à rétribuer leur pasteur, sont sollicités financièrement pour construire un nouveau temple. Ils ont décidé d’acheter l’écurie du citoyen Bonnet sur la Place Publique, actuelle Place de la mairie, et de l’aménager. L’écurie fut donc transformée en temple, le 3ème temple, et cela sans la moindre aide financière du gouvernement ni de la commune, avec le seul appui financier des fidèles encore une fois. Ce 3ème temple deviendra par la suite la mairie avant la mairie actuelle.
En 1806, les protestants représentaient plus d’un tiers de la population : 529 sur les 1 448 habitants de la commune.
En 1812, chaque famille avait acheté les chaises qui lui étaient nécessaires et si possible des bancs.
Dans les années 1820, on s’est préoccupé de la vétusté des locaux, des murailles lézardées, de la toiture en mauvais état de ce 3ème temple.
En 1829, une initiative très œcuménique est apparu : la fondation d’un Comité de dames de Bienfaisance composé de quatre dames protestantes et de deux dames catholiques pour venir en aide aux pauvres des deux communautés.
En 1856, la paroisse a envisagé l’achat d’une cloche. Mais les conditions financières et géopolitiques ne permettaient pas de mener à bien ce projet.
Jusqu’en 1858, les chants n’étaient pas accompagnés musicalement, le temple n’avait pas d’harmonium. Une souscription effectuée auprès des fidèles a permi d’un acheter un.
Vu le mauvais état de l’édifice utilisé comme lieu de culte et son exiguïté, à partir de 1860, on a ouvert une souscription et on a fait appel à l’aide du conseil municipal en vue de la construction d’un nouveau et 4ème temple au Pontet.
La 1ère pierre a été posée en 1863 en présence notamment du Maire. Une somme a même été donnée aux ouvriers comme gratification pour les encourager dans leur travail. Mais les travaux avaient pris du temps et ce n’est qu’en mars 1871 (8 ans après la pose de la 1ère pierre) qu’ils ont été achevés.
Puis la dédicace, c’est-à-dire l’inauguration, a eu lieu le 7 juin 1871 : simple et grandiose, peut-on lire dans le compte rendu : 26 pasteurs assistaient à cette cérémonie. Le pasteur Edouard Rabaut présidait cette cérémonie, « précédé du concierge portant la vieille bible et les livres liturgiques (il devait être bien embarrassé par tout cela, ce devait être un homme fort sans doute !) le cortège composé du corps des anciens de l’Eglise protestante de Roquecourbe et des diacres, s’est rendu de l’ancien au nouveau temple, dont les portes se sont ouvertes devant lui et dans lesquelles le cortège a pénétré, suivi par une foule aussi empressée que nombreuse... ».
En 1871 le nouveau temple était dépourvu de cloche et ce n’est que 4 ans plus tard qu’une cloche commandée à une fonderie de Saint Emilion a été posée : cloche à grande volée, la cloche encore actuelle.
Au début du 20ème siècle, la paroisse protestante de Roquecourbe était vivante active et prospère. Les protestants étaient environ 500 pour une population de Roquecourbe d’environ 1 600 habitants. Depuis le nombre de protestants a fortement chuté pour ne plus représenter qu’environ 5 % de la population du village.
Les spécificités manifestées de notre temple sont : « la Parole » comme le témoigne la place centrale de la chaire et « les Ecritures » avec des versets bibliques de chaque côté de cette chaire.
Source Éric Almayrac