Sauvegarde du Pays Sacradel
Les cloches
Un peu d'histoire...
Avant de présenter le patrimoine campanaire actuel, nous retranscrivons ci-dessous
trois textes tirés des archives qui nous renseignent sur d'anciennes cloches aujourd'hui
disparues. [Renseignements communiqués par Samuel Montagne, professeur d'histoire].
[ADT, 1 E 227/2, Registre des baptême-mariage-sépulture de la paroisse Saint-François de
Roquecourbe](1)
« L'an 1782 et le 6 août, nous avons fait la bénédiction de trois cloches.
La première qui est dédiée à St-François (2), pèse cent vingt livres (3). Parrain Sieur
Dominique Louis Aymar de Palaminy, Seigneur de Roquecourbe. Marraine Madame Marie
du Franclieu de Palaminy, son épouse.
La seconde qui pèse deux cent dix livres (4) est dédiée à la Sainte Vierge. Parrain
Sieur de Royère, capitaine de cavalerie. Marraine Madame Magdelaine de Royère, sa sœur,
abbesse de l'Abbave rovale de Vielmur.
La troisième dédiée à Sainte Juliane (S), elle pèse cent cinquante cinq livres (6).
Parrain Sieur Noble de Ranchin. Marraine Madame de Lacan son épouse.
Présents à cette bénédiction Messieurs les curés et vicaires bas nommés. Mr.
Monjeange, curé de St Etienne de Cahuzac, Sr Vidal, curé de St jean de Vals, Sr Dalbin, curé
de la Crouzette, Sr Mahuziès, curé des Fournials, Sr de Pugnères, curé de Burlats, Sr
Meguier, prêtre et aumônier de Madame l'abbesse et la représentant, Sr Roquette prêtre et
vicaire de Berlan notre annexe et nous, curé et vicaire signés, Grussevic vicaire et Grollier
curé ».
(f° 15 Bénédiction d'une quatrième cloche)
« L'an 1782 et le 11 août, nous avons béni une quatrième cloche pesant cent vingt
neuf livres (7) que nous avons dédié(e) à Saint Martin évêque (8). Parrain Sr Sébastien
Mahuziés, maître en chirurgie de la ville de Castres. Marraine Madame Marie Barthès, veuve
du sieur Jean Mahuziès, juge de Roquecourbe. Présents messieurs les consuls, marguilliers et
nous, vicaire et curé signés. Grussevic vicaire et Grollier curé »
(1) Source : ALMAYRAC (Georges) - Regards sur Roquecourbe - 1990
(2) Saint François d'Assise est le patron de la paroisse de Roquecourbe
(3) Soit 132 kg
(4) Soit 87 kg
(5) Sainte Juliane est la patronne de l'ancienne eglise dont les ruines se trouvent sur la colline proche
connue sous le nom de « Sacaradelle ». Cette denomination est issue du latin « sacra tellus », la terre
sacrée
(6) Soit 64 kg
(7) Soit 53 kg
(8) Saint Martin est le patron de l'ancienne église Saint Martin des Buis, au pied de la colline Sainte
Juliane.
[ADT, 3 E 20/186, le 31/07/16331 (9)
« Accord et translation entre le Chapitre de Burlats, l'abbesse de Vielmur et la
communauté de Roquecourbe.
Le chapitre collégial Saint-Pierre-de-Burlats assigne un procès à la communauté de
Roquecourbe. Il lui réclame les matériaux pour reconstruire l'église de Roquecourbe qu'ils
ont probablement employé(s) à la construction du temple. Il leur réclame également deux
cloches, qui appartiendraient au chapitre et à l'abbesse de Vielmur.
Les consuls affirment que les cloches appartenaient de tout temps à la ville et
communauté, sans jamais avoir servi aux usages ecclésiastiques de la religion catholique,
apostolique et romaine. Le syndic du chapitre a au contraire soutenu que celle qui sert
aujourd'hui d'horloge appartient manifestement aux catholiques vu le crucifix et images et
autres inscriptions qui y sont ».
Nous ne connaissons pas l'issue de ce procès ni ce que sont devenues les deux cloches
de ce litige.
Une autre « histoire de cloche » est évoquée par J.L. ALIBERT (10) qui évoque, sans
hélas en préciser la date, un conflit qui s'était élevé entre les marguilliers de la paroisse et les
magistrats de la cité. Il y est question d'une cloche dont les uns et les autres voulaient avoir la
possession exclusive.
L'affaire fut portée au jugement de l'évêque de Castres qui, après y avoir mûrement
réfléchi, prononça une sentence d'après laquelle la cloche en litige serait fondue, statuant que
de ce métal il fût fait deux cloches, une pour chacune des parties litigantes.
Ici non plus, il n'est fait aucune mention de la suite donnée à ce jugement digne de
Salomon ...
Toutes ces cloches, d'un poids relativement modeste, ont aujourd'hui disparu,
vraisemblablement au moment de la Révolution Française qui avait promulgué en 1793 une
loi intimant d'en récupérer le bronze pour en faire des canons.
Le litige sur les cloches existe on le voit depuis bien longtemps mais si, en ces temps
reculés, il était question de leur propriété et donc de leur utilisation, le problème de nos jours a
changé d'aspect et les procès intentés actuellement sont destinés à les faire taire...
Cloches de l'église Saint François
Le clocher moderne de l'église abrite à présent trois cloches installées sur un beffroi
de bois qui paraît être celui de l'ancien clocher. Cette solide charpente a certainement dû être
démontée puis remontée ici, comme semblent le montrer les encoches de repérage tracées sur
les divers éléments de la structure.
Les cloches vont être présentées dans leur ordre décroissant de poids; nous
commençons donc par la plus grosse qui, bien que la plus ancienne, est la dernière à avoir été
installée dans ce clocher.
Elle se trouvait autrefois dans l'ancienne mairie (évoquée plus haut) et tintait les
heures de l'horloge. Elle était également utilisée pour sonner le tocsin en cas d'incendie ou
d'alerte.
Descendue de son clocheton avant sa démolition, elle fut transportée vers le nouveau
clocher Saint-François pour y être installée.
Déménagement de la cloche :
Descente
Réception au sol
Chargement
Montée au clocher
Installée au centre du beffroi
Cloche d'horloge
Cloche 1 :
Cette vénérable cloche, comme par le passé, continue à piquer les heures et demi-
heures de l'horloge du village. Elle faisait également autrefois office de tocsin (souvenir
personnel).
D'un diamètre de 79,5 cm, elle donne la note LA 3 et son poids peut être estimé à
environ 310 kg.
Nous sommes en présence de l'une des rares cloches anciennes à usage strictement
civil, comme l'indique l'inscription de dédicace dans laquelle figurent les noms des Consuls
de Roquecourbe.
Ici, le texte nous apprend qu'elle était destinée à sonner les heures (il y avait donc une
horloge à Roquecourbe en 1678) et les convocations aux assemblées publiques. Néanmoins,
d'après le témoignage de l'ancien curé, elle a été utilisée au XIX° siècle et au tout début du
XX° pour accompagner les grandes processions.
Dédicace :
CESTE CLOCHE APARTIENT A LA COMMVNAVTE DE ROVECOVRBE
FAITE L ANNEE 1678
CONSVLS IEAN SOMPAIRAC IACQVES GOFFRE E FRANCOIS GASTOV
Au bas de la cloche, on lit le nom du fondeur et ce à quoi elle était destinée
P MABILE M FONDEVR
SVLEMANT POVR LES HVRES E LESASANBLES PVBLIOVES
Son ornementation est assez sobre, on peut voir une frise décorative au-dessous des
inscriptions et, sur la robe de la cloche, le blason de Roquecourbe, puis, dans un écusson, la
représentation de Saint Roch.
Les traces d'usure visibles à l'intérieur nous apprennent qu'autrefois cette cloche
sonnait à la volée (certainement pour la convocation des assemblées publiques), et une autre
trace de frappe est visible sur son bord extérieur, c'est là que frappait le marteau d'horloge.
Date et frise décorative
« POVR LES HVRES »
Blason
"E LESASANBLES PVBLIQVES»
Saint Roc, avec les trois symboles le caractérisant :
Le large chapeau avec la coquille, le bâton de pèlerin, et le chien.
Cloche 2 :
Accrochée à un joug mécano soudé, elle sonne à la volée et en tintement. Son diamètre
est de 77 cm et elle donne un SI 3. On peut évaluer son poids à environ 270 kg.
Dédicace :
SANCTE FRANCISCO ORA PRO NOBIS
PARRAIN MR PIERRE GANTET
a MARRAINE ME ROSALIE PAULIN
MR JOSEPH PAULIN MAIRE MR ROUANET a CURE
1925
TRIADOU FONDEUR A RODEZ
Décorations :
Au niveau de la couronne, figure une frise à motif végétal avec des fleurs de lys
horizontales. On en trouve d'autres au niveau de l'inscription. Sur la robe de la cloche sont
représentés Saint Etienne et Saint Jean Baptiste, et une croix latine sur quatre degrés termine
cette décoration.
CLOCHE 3 :
Même équipement que la précédente (joug et tintement). Son diamètre est de 54 cm et
sa note donne le FA 4. On peut estimer son poids à environ 95 kg.
Dédicace :
AD MAJORE DEI GLORIAM
PAROISSE DE ROQUECOURBE 1888
FARNIER FRERES FONDEURS A ROBECOURT VOSGES
Décorations:
Des feuilles d'acanthe ornent la doucine (bord supérieur arrondi de la cloche) et
retombent sur une frise représentant une treille. Au-dessous figurent les inscriptions
soulignées par un cordon torsadé. Puis on trouve une frise à pendentifs dans la partie
supérieure de la robe elle-même ornée par un Christ en croix, la Vierge et Saint Joseph.
Au bas de la cloche, deux autres frises, dont l'une représente également une treille,
terminent cette riche décoration.
LES FONDEURS
Pierre MABILE
La cloche de Roquecourbe est à ce jour la seule connue de ce fondeur. Les archives
nous apprennent que le 30 août 1671, en l'église Saint-Salvi d'Albi, était béni le mariage de
Pierre Mabille (nom écrit avec 2 L) « Me fondeur natif de la ville de Lyon, depuis environ huit
(mot laissé en blanc : mois ou ans ?) habitant la ville de Rhodes » avec Françoise Roques
veuve, depuis six mois seulement, de Jacques Dayma aussi fondeur (11)
Cette personne mourut le 18 mai 1676 et de son union avec Mabille était née une fille
en 1673 (12).
TRIADOU de RODEZ
Amans Triadou est à l'origine de cette dynastie de fondeurs ruthénois qui ont œuvré
dans toute la région dès la fin du XVIII° siècle. Après une interruption durant la Révolution
Française, on commence à retrouver des cloches TRIADOU en 1808 et cette fonderie a
perduré jusque vers 1882.
Il existe une multitude de cloches de ce fondeur qui en plusieurs occasions s'était
associé à d'autres confrères aveyronnais, toulousains ou lozériens pour réaliser diverses
commandes (LEVEQUE, de Toulouse, POURCEL et CAZES, de Villefranche et VALETON,
de Mende)
FARNIER frères à Robécourt (Vosges)
Ces fondeurs ont travaillé quelque temps dans la région à la fin du XIX° siècle
puisqu'on trouve quelques cloches fabriquées par eux. Outre celle de Roquecourbe, il en
existe une à l'église de Mondragon (1886) et une autre à l'église Saint-Hippolyte à Castres
(1889).
C'est également FARNIER qui a refondu en 1886 la plus vieille du département qui se
trouvait à Lacrouzette et qui datait de 1464...
(11) ADT - E 718 - F° 13 - V°
(12) ADT-GG 59 - F° 152 et 100